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Procédure Pénale




          prélèvements effectués lors des autopsies, nouvel art. 60 C. pr. pén.) à l'instar de celle du procureur de la République
          à l'occasion de certaines audiences se rapportant à l'action civile (nouvel art. 10 C. pr. pén.). Ne plus impérativement
          subordonner le recours à la visioconférence à l'accord de la personne concernée en matière de détention provisoire
          (nouvel art. 706-71 C. pr. pén.), c'est là encore en faciliter la mise en œuvre. Simplifier, c'est aussi mettre demain au
          singulier ce qui aujourd'hui encore se conjugue au pluriel ; l'unification de certains régimes juridiques participe de
          cette démarche : celui applicable à l'enquête sous pseudonyme (nouvel art. 230-46 C. pr. pén.), ceux applicables
          aux techniques spéciales d'enquête de sonorisation, de captation d'images et de recueil des données techniques de
          connexion et de captation de données informatiques (nouvel art. 706-95-11 C. pr. pén.), ceux applicables aux géolo-
          calisations et aux interceptions par la voie des communications électroniques (nouvel art. 60-4 C. pr. pén.). Alléger
          les tâches des enquêteurs et des magistrats, c'est aussi une façon pertinente de simplifier la procédure. Plusieurs
          dispositions de la loi appelée à être promulguée prochainement s'inscrivent dans cette perspective comme la présen-
          tation simplement facultative du suspect devant un magistrat en vue de la première prolongation de 24 heures (nou-
          vel art. 63 C. pr. pén.) ou l'extension des prérogatives des agents de police judiciaire à certains actes d'enquête non
          coercitifs (réquisitions, mesures de dépistage des conducteurs en matière d'alcoolémie ou d'usage de stupéfiants),
          (nouveaux art. 60 à 60-3 C. pr. pén., art. L. 235-2 C. route). Enfin, amplifier le recours aux alternatives, aux pour-
          suites ou aux modes de jugement allégés ou simplifiés, réduire la durée des audiences de jugement, c'est aussi une
          façon de fluidifier la procédure pénale en compressant le temps judiciaire : participent de cette ambition l'extension
          de la procédure de composition pénale aux personnes morales (nouvel art. 41-3-1-A C. pr. pén.), la suppression de
          la procédure de validation par un juge du siège lorsque l'amende de composition n'excède pas 3 000 euros (nouvel
          art. 41-2 C. pr. pén.), l'élévation du seuil de l'emprisonnement (3 ans et non plus seulement 1 an) susceptible d'être
          proposé dans le cadre d'une procédure de comparution préalable de culpabilité (nouvel art. 495-8 C. pr. pén.), l'élar-
          gissement de la procédure de l'ordonnance pénale à tous les délits relevant du juge unique, sauf exceptions (nouvel
          art. 495 C. pr. pén.), l'examen à juge unique des appels portant sur un jugement rendu à juge unique (nouvel art. 510
          C. pr. pén.), la possibilité pour le condamné de limiter son appel sur la peine à l'exclusion de la décision se rapportant
          à la culpabilité (nouveaux art. 502 et 380-2-1-A C. pr. pén.) ou bien encore l'institution, à titre expérimental, d'une
          cour criminelle exclusivement composée de magistrats professionnels (au nombre de 5) pour juger les personnes
          majeures – non récidivistes – accusées d'un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle.

          Une réforme de la justice pénale ne laisse jamais indifférent. Pour certains observateurs, comme le barreau de
          Paris, le texte présenté par le Gouvernement va trop loin au point d'être fustigé comme une « atteinte grave à la
          démocratie » singulièrement en considération du choix d'une justice sans jurés (avec l'institution du tribunal criminel
          départemental composé exclusivement de juges professionnels) et des prérogatives toujours plus importantes don-
          nées aux enquêteurs et aux magistrats du parquet. Pour d'autres au contraire, le texte soumis au Parlement manque
          fondamentalement d'ambition en restant minimaliste et bien en deçà des attentes exprimées par les praticiens du
          terrain. Pour replacer l'enquêteur au cœur de son métier et revivifier la filière d'investigation aujourd'hui en perdition,
          la piste de l'oralisation de certaines procédures (certains enregistrements audio étant appelés à être érigés en pièces
          de procédure à part entière, versées au dossier au même titre qu'une pièce écrite, le cas échéant accompagnées d'un
          procès-verbal de synthèse) mériterait sans doute d'être explorée davantage, en parallèle avec une transmission tou-
          jours plus dématérialisée des procédures d'un bout à l'autre de la chaîne pénale. En attente de promulgation, la loi de
          programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice s'inscrit timidement dans cette voie exploratoire : jusqu'au
          1  janvier 2022, il peut ainsi être procédé, selon des modalités déterminées par voie réglementaire, dans des ser-
          er
          vices ou unités de police judiciaire désignés conjointement par le ministre de la Justice et le ministre de l'Intérieur, à
          l'enregistrement sonore ou audiovisuel des formalités prévoyant, pour les personnes entendues, arrêtées ou placées
          en garde à vue, la notification de leurs droits. Conservé sous forme numérique dans des conditions sécurisées, cet
          enregistrement dispense les enquêteurs de constater par procès-verbal le respect de ces formalités, étant observé
          que l'enregistrement peut être consulté en cas de contestation (art. 801-1-II C. pr. pén.).
          Lorsque des évolutions juridiques comme celles se rapportant à l'oralisation de certaines procédures sont devenues
          nécessaires et ressenties comme telles, il ne faut pas hésiter à franchir le pas ainsi que le martèle régulièrement le
          Syndicat des Cadres de la Sécurité Intérieure (SCSI). Comme l’écrivait Alain Peyrefitte dans son ouvrage de poli-
          tique criminelle « Les chevaux du lac Ladoga » (éd. Plon, 1981) « c’est le rôle des hommes de gouvernement que de
          sentir le moment où le changement, parce qu’il s’impose, peut devenir irréversible et créer ainsi les conditions d’un
          nouvel équilibre. Comme les pêcheurs sénégalais, rentrant au soir de l’océan, guettent l’instant et l’endroit où ils
          pourront faire franchir la haute barre à leur pirogue ».







                                                                          [Frédéric Debove]



                                                                                              mars 2019 ⁄ n° 335 ⁄ p. 15
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