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C ommissaires infos
           SCSI
            Syndicat des
            Cadres de la
            Sécurité

            Intérieure
            Cfdt
          Uniformiser la procédure pénale… !




          Le 15 octobre 2018, une délégation du SCSI était enten-  Pourquoi ne pas s’interroger plus globalement sur la
          due par la commission des lois de l’Assemblée nationale   légitimité de la place du juge d’instruction ? Est-il nor-
          sur le « projet de loi de programmation 2018-2022 et de   mal qu’un juge d’instruction soit chargé du traitement
          réforme pour la Justice ». Son rapporteur est le député   en profondeur d’une poignée d’affaires délictuelles ou
          Didier PARIS, ancien magistrat…                      criminelles quand, dans le même temps, le même type
          En points positifs, nous avons salué le rétablissement de   de contentieux en préliminaire n’est parfois même
          la pénétration forcée dans le domicile en préliminaire, le   pas connu d’un magistrat… ? Le suivi du traitement de
          développement de la plainte en ligne ainsi que la forfaiti-  crimes sexuels sur mineurs dans les services de sécurité
          sation d’infractions, proposant même des réflexions sur   publique est à cet égard emblématique et tient d’abord du
          le traitement d’autres contentieux, auxquelles les dépu-  discernement des OPJ plus que de la direction d’enquête
          tés ont été très sensibles. Certaines infractions, comme   des magistrats… De même, est-il normal que le régime de
          les non-paiements de pension alimentaire, mériteraient   traitement des écoutes ou géolocalisations soit si diffé-
          une approche judiciaire renouvelée, eu égard au déve-  rencié entre l’instruction et l’enquête préliminaire, alors
          loppement de ce contentieux judiciarisé à l’excès.   même qu’un juge des libertés et de la détention garantit
                                                               le contrôle juridictionnel et impartial d’actes de l’enquête
          Cependant, cet entretien a été l’occasion de s’inquiéter du   préliminaire depuis 2000… ?
          prisme très judiciaire du projet là où la simplification de
          la procédure doit d’abord concerner les services enquê-  Nous avons, aussi, eu l’occasion de nous étonner de l’ab-
          teurs, notamment de Sécurité publique. C’est, en effet,   sence de développement de l’oralisation de la procédure,
          dans ces services que se trouve la masse de la matière   promesse de campagne du Président de la République…
          pénale. Or, le plus souvent, les magistrats ne veulent pas   En quelques années, la présence de l’avocat n’a pas sup-
          en avoir connaissance avant le stade de la garde-à-vue,   primé l’enregistrement des auditions, ni leur retrans-
          laissant aux cadres de la police le tri de l’information des   cription complète. Ne serait-il pas temps, par exemple,
          infractions au parquet, contrairement pourtant aux obli-  d’imaginer un simple PV de synthèse d’audition relayant
          gations légales de  l’article 19 du CPP. L’ensemble des   uniquement les moments marquants en complément du
          contraventions et la majeure partie des délits ne sont,   simple enregistrement vidéo ? Pourquoi, dans la même
          ainsi, pas portés à la connaissance du parquet. Com-  perspective, ne pas profiter des tablettes NEO pour
          ment désormais mener une politique pénale pertinente   envisager une perquisition exclusivement vidéo dans les
          dès lors qu’elle ne se base que sur la connaissance des   affaires les moins complexes ?
          quelques infractions les plus importantes ? Comment les   Outre la centralisation à l’OCLCTIC du traitement des
          magistrats peuvent-ils être les meilleurs juges de la sim-  captations des cartes bancaires et des fraudes, qui sou-
          plification de la procédure pénale puisqu’ils en ignorent la   lagera les services locaux (cf. COMMISSAIRES INFOS
          masse en temps réel ?                                n° 32), nous avons clairement soulevé l’importance de la
          Sans nier l’intérêt de quelques dispositions, nombre   systématisation de la cyber-infiltration et de l’enquête
          d’entre elles, comme le placement des prélèvements sous   sous pseudonyme à toutes les infractions impliquant le
          scellés par les médecins légistes, restent un détail du   recours aux outils numériques. Il est, en effet, nécessaire
          quotidien de l’OPJ quand la suppression de l’obligation de   d’anticiper et de réaliser qu’elles deviennent la version
          présentation au parquet du gardé-à-vue ne fait qu’avali-  moderne de la traditionnelle enquête de voisinage appli-
          ser une pratique existante… Ainsi, avons-nous sensibilisé   quée à la délinquance numérique.
          les députés sur le danger d’un catalogue de mesurettes   En conclusion, au-delà des mesures juridiques de simplifi-
          qui donne l’impression d’une simplification sans impact   cation, nous n’avons pas hésité à dénoncer l’esprit de plus
          réel sur le quotidien de la majorité des enquêteurs. Hor-  en plus scolaire des magistrats. Mais sans doute aussi
          mis les enquêteurs de DCPJ,  la plupart sont, en effet,   faut-il relever le  déclin de la formation aux techniques
          moins confrontés aux techniques spéciales d’enquêtes ou   procédurales des cadres de la police ou le moindre sens
          encore à la nécessité d’une habilitation nationale d’OPJ.  de l’affirmation des OPJ à l’égard des magistrats depuis la
          Nous  avons  également  évoqué  le  différentiel  de  traite-  disparition progressive d’un corps dédié aux enquêtes et
          ment de la matière pénale, tant sur le territoire qu’en   le départ à la retraite de ses derniers anciens membres
          fonction du cadre juridique. Ainsi, si les débats relatifs   (cf. COMMISSAIRES INFOS n° 38).
          au projet de loi questionnent sur l’évolution de la durée   C’est d’abord un terme à l’excès de précaution et de juri-
          du flagrant délit, sur la nécessité du maintien de la dicho-  disme de tous les acteurs de la chaîne pénale qui permet-
          tomie flagrant délit/préliminaire ou sur une procédure   tra une vraie simplification et le développement du bon
          intermédiaire entre comparution immédiate et informa-  sens et de la confiance…
          tion judiciaire, pourquoi ne pas aller plus loin ?



                                                                                          décembre 2018 ⁄ n° 334 ⁄ P. 17
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