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Juin 2018 ⁄ n° 332 ⁄ P. 22 1/ Constat chiffré Police Nationale
Les suicides parmi les force de l’ordre font la une de l’actualité depuis des années, et les diverses annonces restent
irrémédiablement vaines. Les chiffres sont cinglants : 43,2 suicides par an depuis 10 ans…
55 policiers en 2017
36 policiers en 2016 44 policiers en 2015
55 policiers en 2014
(Graphique Bilan social)
La proportion masculine représente globalement plus de 80 % de leur nombre, et touche majoritairement le corps
d’encadrement et d’application.
Suicide dans la Police : L’analyse 2016 du bilan social précise que : La tranche d’âge la plus représentée demeure incontestablement celle
des 35-49 ans, avec une dominante pour les collègues vivant seuls et exerçant pour 55 % en Sécurité Publique.
L’arme de service reste le moyen utilisé dans plus de la moitié des cas et 22 % d’entre eux ont eu lieu sur le lieu de
travail.
un fléau non élucidé À titre de comparaison, au sein de la Gendarmerie Nationale, l’année 2016 fut marquée par 25 suicides.
Ces chiffres sont malheureusement révélateurs d’un profond malaise au sein de la Police Nationale, et ne doivent
pas faire oublier que nous parlons de drames humains, sur lesquels les autorités ont dû mal à agir malgré les divers
plans prévention successifs.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que le suicide est responsable de 2/ Les points marquants des plans de prévention
près d’un million de décès dans le monde chaque année. La France est l’un des pays Suite au pic du nombre de suicides survenus en 1996, il a été créé le Service de Soutien Psychologique Opérationnel
occidentaux les plus touchés avec environ 10 000 décès annuels par suicide. (SSPO), structure dont les objectifs sont de gérer le caractère post-traumatique des événements et de développer
une politique de prévention et d’écoute au profit des personnels.
Depuis plusieurs décennies, cette forme de mortalité frappe grandement les forces Depuis 2015, l’IGPN réalise des enquêtes environnementales visant à améliorer la connaissance de la dimension du
de l’ordre. Le constat alarmant et triste du nombre annuel de suicides dans la Police suicide et du risque suicidaire dans la PN dans une approche pluridisciplinaire pour mieux appréhender les actions
Nationale semble, toutefois, demeurer une nébuleuse sans issue. préventives à mettre en place.
Également, l’obligation de la tenue de réunions annuelles du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de
Travail (CHSCT national ou départemental), ainsi que des cellules de veille vise à améliorer les conditions de travail
et lutter contre les Risques Psycho-Sociaux (RPS).
Les études menées nationalement démontrent que la communauté policière est frappée d’un taux deux fois plus élevé
que la population générale, et induisent que le métier spécifique de policier constitue à lui seul un facteur de risque Le mise en place de diverses fiches réflexes ou de dispositifs de suivis est toutefois perfectible et n’a toujours pas
accru. Si par nature, le passage à l’acte reste une décision individuelle, le suicide d’un agent ne saurait se réduire permis de réduire drastiquement le nombre de suicide dans la Police Nationale.
à une cause unique. Une multitude de facteurs interagissent (troubles psychiatriques, antécédents personnels ou Ainsi, plusieurs études (IGA/ IGPN/ IGGN) tentent de rendre des audits relatifs à la prévention du suicide dans les
familiaux, isolement social, difficultés financières) et précipitent la personne vers un passage à l’acte. Le policier, plus forces de sécurité intérieure sans que le fond du malaise ne soit réellement analysé. En effet, il n’existe toujours pas
exposé au risque suicidaire que d’autres professions, soumis à des situations traumatisantes et violentes au cours de sur le plan national, de moyens objectifs d’évaluation des risques psycho-sociaux au sein de nos services.
sa carrière, apparaît dès lors fragilisé.
Pourquoi et comment la Police Nationale pourrait-elle enfin inverser ces tendances désastreuses et prendre en
L’administration tente depuis les années 2000 de prendre en compte cette question, sans malheureusement parve- compte le mal-être d’un grand nombre d’agents, ne passant pas pour autant toujours à l’acte ultime ?
nir à en réduire son nombre.
Ce sujet douloureux doit être traité objectivement tout en rappelant les données chiffrées et les politiques menées
pour tenter de prendre en compte les risques psycho-sociaux dans notre maison. Mais, également, il convient de pro- 3/ Les propositions du SCSI
poser des pistes de réflexion pour lutter contre cette souffrance au travail pouvant indéniablement conduire certains
d’entre nous à l’irréversible. Une prise en compte objective des causes pouvant agir sur les policiers
L’absence de prise en compte par notre administration des situations post-traumatiques subies par les agents (bles-
sures en service, accidents, situations de combat ou attentats) conduit nécessairement à négliger une fragilisation
psychologique et une vulnérabilité plus grande de nos collègues victimes. Il conviendrait ainsi d’assurer une prise en
charge centralisée et systématique du traumatisme psychique afin que les démarches des agents ou de leurs familles
soient simplifiées.
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