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 Juin 2018 ⁄ n°  332 ⁄ P. 24  Nombreux, également, sont les suicides survenus pendant une longue période d’arrêt de travail ou de maladie. Bien   En conclusion
 que des instructions prévoient le suivi et le maintien du contact avec l’agent pendant son absence, dans les faits cette
          Les bonnes intentions ne suffiront pas, mais de véritables politiques volontaristes pourront produire leurs
 relation n’est en grande majorité pas maintenue, faute de temps des gestionnaires RH des services. Il est, ainsi, grand
          effets. La prévention des suicides passe par la vigilance personnelle mais également par une révolution insti-
 temps que ce suivi soit assuré par le service social, dans d’assez brefs délais, afin que les personnes malades soient
          tutionnelle (politique de prévention, suivis des suicides et tentatives, cohésion et management réformé). Tous
 accompagnées.
          les plans doivent avoir des incidences sur les conditions de vie et de travail des agents, ainsi que permettre une
 L’isolement du policier demeure une cause non négligeable à prendre en compte. D’ailleurs, la forte sociabilité chez
 les gendarmes par la vie en caserne, conduit à réduire sensiblement ce nombre de suicide dans cette institution. De
          vies perdues.
 même, souvent en lien avec cet isolement individuel, les difficultés sociales et familiales participent à ce processus   bonne estime de soi (confiance et reconnaissance de la hiérarchie) pour diminuer drastiquement le nombre de
          Face à ces facteurs de détresse, le sens du travail, la cohésion, le soutien et le partage sont autant de valeurs
 de fragilisation. Un accompagnement spécifique (dossiers dérogatoires, rapprochements effectifs des époux) des   protectrices, ayant longtemps prévalues au sein de la Maison Police Nationale, qu’il convient de valoriser et
 policiers doit permettre de réduire les effets néfastes de cet isolement.
          favoriser dans une société de plus en plus individualiste. Seul un changement de culture managériale permet-
 Le stress ainsi que la souffrance et la détresse humaine sont rarement mesurés dans les services alors qu’ils consti-  tra de faire face à l’écueil dont la Police Nationale est frappée. Cette révolution culturelle semble bien acces-
 tuent une charge émotionnelle forte, favorisant un symptôme d’épuisement professionnel. Ainsi, il serait judicieux   sible pour tenter de répondre et réduire ce fléau que constituent les suicides de nos collègues…
 que les préconisations des CHSCT et des cellules de veille aient un pouvoir contraignant sur les autorités visées. En
 effet, analyser et chercher les sources de dysfonctionnements constatés pourraient permettre une prise en charge
 rapide et collective de la souffrance par une intervention du médecin de prévention et de psychologues.
 Les membres des forces de l’ordre revendiquent une vie sociale et familiale sereine passant notamment par des
 cycles de travail adaptés aux nouveaux modèles de société et aux familles monoparentales. À quelle date sera enfin
 appliquée la Directive européenne sur le temps de travail des agents dans la Police Nationale ?   En 2017, 51 collègues se sont suicidés, essentiellement issus de la Sécurité
 Une prise en compte objective de tous ces éléments serait un point de départ non négligeable. Toutefois seul un    Publique. 60 % d’entre eux ont utilisé leur arme à feu et 6 % se sont donnés la
 véritable changement culturel et institutionnel de la Police Nationale serait novateur dans cette thématique doulou-  mort sur leur lieu de travail.
 reuse. Il apparaît urgent que pour une fois, la santé des policiers et leur malaise soient enfin au cœur des politiques   Depuis le début de l’année 2018, 17 collègues se sont déjà suicidés… (chiffre
 de prévention des suicides.  identique à celui constaté à la même date en 2017).

 Révolutionner le management dans la PN  Voici les douloureuses statistiques qui ont été présentées lors du CHSCT, le
                          mardi 29 mai 2018.
 Tous les chercheurs s’accordent à dire que la Police Nationale ne se porte pas bien et que ses agents sont fragilisés.
                          Par ailleurs, ce comité fut l’occasion pour le ministre de l'Intérieur d’exposer
 Le sociologue Dominique Monjardet précise même que notre style de management autoritaire, découlant de notre   le « programme de mobilisation » contre les suicides. Selon ses termes ce plan
 structure bureaucratique, s’avère aujourd’hui totalement inadapté sur le terrain et renforce le stress chez les poli-
 ciers.                   vise à « mieux répondre à l’urgence » – notamment en sensibilisant les policiers
                          au repérage de leurs collègues en difficulté –, à « prévenir les situations de fra-
 En effet, notre hiérarchie impose bien souvent à ses collaborateurs des décisions ou injonctions, unilatéralement,   gilité » via les structures d’accompagnement, et à favoriser à la cohésion et le
 sans que celles-ci ne soient comprises et même partagées. Elle conserve également un pouvoir important dans le   « collectif » au sein de la Police Nationale.
 cadre administratif (relations avec la justice, budgets, matériel ou récompenses). Et enfin, l’évaluation chiffrée qui
 conduit souvent à privilégier la quantité aux dépens de la qualité, génère majoritairement de la contradiction et de   Le DGPN a annoncé la constitution d’un groupe de travail sur la question du
 l’épuisement chez les policiers.  retrait de l’arme hors service pour les agents traversant des difficultés person-
 Ainsi, face à l’ensemble de ces constats, il est impératif que notre Institution se réforme en profondeur dans son   nelles.
 fonctionnement. Il semble important de focaliser nos efforts sur le développement d’un climat de travail sain et positif   Si ce plan se veut plus ambitieux que le précédent, il est impératif que les
 afin notamment de tenter de réduire les effets négatifs de notre environnement de travail.  déclarations de bonnes intentions se traduisent enfin, dans les actes… et que
 Au préalable, il serait judicieux de proposer un management cohérent avec la réalité du terrain, tout en favorisant   l’on s’attaque aux racines du mal bien en amont, notamment en matière de condi-
 le dialogue de proximité. L’idée est ici de développer enfin une prise de conscience des dynamiques de groupe. Le    tions de travail (management, locaux, etc.) et de temps de travail.
 manager devra ainsi s’adresser à l’équipe dans son ensemble par des espaces de discussions et de dialogue, plutôt
 que se concentrer sur la motivation et l’autonomisation des individus. Les réunions d’équipe régulières visent à adop-
 ter une approche plus humaine et participative des agents.

 Par ailleurs, il convient de favoriser la cohésion des agents quel que soient leurs grades. L’interaction entre les corps
 doit être développée pour lutter contre les corporatismes malsains et dépassés. Le développement de moments de
 convivialité et de partage s’inscrit dans la mise en œuvre d’une Académie de police, favorisant des programmes de
 formations communs et inter-corps. Cette promesse présidentielle ne doit pas rester lettre morte. Bien au contraire,
 elle doit permettre d’asseoir un management empreint d’humanité et de compréhension des comportements.
 Enfin, il paraît singulier de devoir l’écrire, mais certains semblant avoir oublié les principes élémentaires du bien-être
 au travail… il serait souhaitable de rétablir ou d’institutionnaliser les moments de convivialité lors de réunions opé-
 rationnelles ou d’événements particuliers (galettes, remises de médailles ou lettre de félicitations…). De plus, dans
 trop de départements, les associations ont cessé de fonctionner alors qu’elles organisaient, localement, un peu de
 lien social.






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