Mise en garde justice/police contre une privatisation du système judiciaire
PARIS, 6 avr 2012 (AFP) – Une dizaine de syndicats et associations de la justice et de la police ont mis en garde vendredi contre une privatisation du système judiciaire, dont l’administration pénitentiaire est selon eux la “pointe avancée”.
“Les fonctions de police et de justice doivent demeurer des missions régaliennes de l’Etat, qu’il ne peut déléguer à des partenaires privés sans un contrôle essentiel et réel”, et qui doivent être accessibles “de manière égalitaire à l’ensemble des citoyens”, écrivent ces organisations dans une “interpellation” adressée aux candidats à la présidentielle.
Parmi les signataires figurent l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), le Syndicat national des officiers de police (Snop, majoritaire), l’Unsa-PJJ (protection judiciaire de la jeunesse), ainsi que des organisations de directeurs pénitentiaires, greffiers, psychiatres…
Ils ont souligné, lors d’une conférence de presse dans les locaux du Snop à Paris, la “symbolique” de leur travail engagé après le meurtre, en 2011, de Laetitia, près de Pornic, qui avait suscité de nombreuses réactions dans les milieux politiques et judiciaires.
“Nous sommes apolitiques”, des “experts venus de tous horizons”, ont déclaré les signataires, “mais nous voulons peser dans la présidentielle où la problématique sécurité/justice est peu présente”.
Dans un document d’une centaine de pages intitulé “penser autrement la sécurité et la justice”, ces syndicats et associations exposent “le problème du désengagement de l’Etat en matière de police et du rôle grandissant des polices municipales”.
Ils considèrent aussi que l’administration pénitentiaire est “la pointe avancée de la privatisation de la justice”. La “gestion déléguée (privée)” d’établissements pénitentiaires, “particulièrement onéreuse”, se développe, constatent-ils, et “crée de fortes disparités de prise en charge des détenus”.
Le champ pénitentiaire ne doit pas devenir “un espace d’initiatives privées”, estiment les signataires.
Leur rapport insiste aussi sur “la nécessité d’une justice indépendante”, en jugeant insuffisantes les propositions en la matière des candidats à la présidentielle.
Les auteurs énumèrent par ailleurs un certain nombre de réformes qui, faute de moyens, s’avèrent “inapplicables”: la loi pénitentiaire (“dans les faits, les prisons n’ont jamais été autant surpeuplées”), la réforme de l’instruction (collégialité impossible faute d’effectifs), celle de la garde à vue (taux d’élucidation en baisse), l’introduction de jurés populaires en correctionnelle… “Il faut cesser l’empilement législatif”, demandent-ils.
Sur l’affaire Merah et les opérations de police dans les milieux islamistes radicaux de ces derniers jours, interrogé par des journalistes, le Snop a déclaré que c’est “l’exemple même” que “la justice et la police ne doivent pas être instrumentalisées” ce que réclament les signataires dans leurs travaux.
Les 90 propositions vont de l’alignement du statut des magistrats du parquet sur celui des magistrats du siège, au test de l’accueil des victimes, en passant par la revalorisation du montant des expertises judiciaires. Une dizaine de syndicats et d’associations s’insurgent contre le risque d’une privatisation du système judiciaire français. Ils présentent leur vision pour la justice qu’ils doivent remettre aux candidats à la présidentielle.
“Penser autrement la sécurité et la justice” en 2012. Treize associations ou syndicats, de policiers, de magistrats, de greffiers, de traducteurs ou encore de victimes (1), présentaient ce vendredi matin leur vision pour la justice qu’ils doivent transmettre dans les prochains jours aux candidats à l’élection présidentielle.
Ce groupe de réflexion inédit réunit les représentants de professions aux intérêts et aux cultures souvent antagonistes (à l’exception notable des avocats, non représentés). “Il faut décloisonner, sortir des corporatismes”, assure-t-on ainsi au syndicat Unsa de la Projection judiciaire de la jeunesse. “Il existe bien des réunions interministérielles, entre la Justice et de l’Intérieur, par exemple, mais elles sont prisonnières d’un rapport de forces où l’un doit l’emporter l’autre, relève, quant à lui, le juge antiterroriste Marc Trévidic, au nom des magistrats instructeurs. Nous ne nous inscrivons pas dans la même démarche.”
Tous les intervenants ont cependant un point commun: quel que soit leur secteur d’activité, aucun ne passe pour très “sarkophile”. Et leur constat sonne d’ailleurs comme une dénonciation des orientations prises en matière de justice depuis 2007.
Une réflexion lancée après l’affaire de Pornic en 2011
Le groupe a d’ailleurs entamé sa réflexion au lendemain des déclarations du président de la République dans l’affaire dite de Pornic, en 2011. Après le meurtre de la jeune Laetitia, le chef de l’Etat avait stigmatisé la chaîne judiciaire parlant de “dysfonctionnements graves”.
Le groupe se défend pour autant de toute démarche politique, définissant ses propositions comme “pragmatiques”. “Si l’on excepte le drame de Toulouse, le thème de la sécurité a été mis entre parenthèses durant cette campagne“, regrette ainsi Jean-Marc Bailleul, le secrétaire général du Snop, le syndicat de police (majoritaire chez les officiers) qui a accueilli ces travaux.
Au total, ces 90 propositions, tour à tour très conceptuelles et très concrètes, qui vont de l’alignement du statut des magistrats du parquet sur celui des magistrats du siège, au test de l’accueil des victimes, en passant par la revalorisation du montant des expertises judiciaires, tiennent en un engagement: plus d’Etat, moins de privé.
“Les fonctions de police et de justice doivent demeurer des missions régaliennes de l’Etat qu’il ne peut déléguer à des partenaires privés sans un contrôle essentiel et réel, et qu’il doit absolument permettre, de manière égalitaire, à l’ensemble des citoyens”, proclame le document d’une centaine de pages remis à la presse.
Le Monde.fr avec AFP | 06.04.2012 à 15h31
Plusieurs syndicats et associations de la police et de la justice ont mis en garde les responsables politiques, vendredi 6 avril, contre une tendance à la privatisation du système judiciaire. “Les fonctions de police et de justice doivent demeurer des missions régaliennes de l’Etat, qu’il ne peut déléguer à des partenaires privés sans un contrôle essentiel et réel”, et qui doivent être accessibles “de manière égalitaire à l’ensemble des citoyens”, écrivent ces organisations dans une“interpellation” adressée aux candidats à la présidentielle.
Parmi les signataires figurent l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), le Syndicat national des officiers de police (SNOP, majoritaire), l’UNSA-PJJ (protection judiciaire de la jeunesse), ainsi que des organisations de directeurs pénitentiaires, de greffiers ou encore de psychiatres. Lors d’une conférence de presse dans les locaux parisiens du SNOP, ils ont insisté sur leur dimension“apolitique” et rappelé la “symbolique” de leur travail engagé en 2011, après le meurtre de Laetitia Perrais, près de Pornic (Loire-Atlantique).
“NÉCESSITÉ D’UNE JUSTICE INDÉPENDANTE”
Dans un document d’une centaine de pages intitulé “Penser autrement la sécurité et la justice”, ces syndicats et associations exposent “le problème du désengagement de l’Etat en matière de police et du rôle grandissant des polices municipales”.
Ils dénoncent également les orientations données à l’administration pénitentiaire,“pointe avancée de la privatisation de la justice”. La gestion déléguéed’établissements pénitentiaires, présentée comme “particulièrement onéreuse”, connaît un important développement. Elle “crée aussi de fortes disparités de prise en charge des détenus”.
Leur rapport insiste aussi sur “la nécessité d’une justice indépendante” et déclare insuffisantes les propositions en la matière des candidats à la présidentielle. Les auteurs énumèrent par ailleurs un certain nombre de réformes qui, faute de moyens, se révèlent “inapplicables” : la loi pénitentiaire (“dans les faits, les prisonsn’ont jamais été autant surpeuplées”), la réforme de l’instruction (collégialité impossible faute d’effectifs), celle de la garde à vue (taux d’élucidation en baisse), l’introduction de jurés populaires en correctionnelle… “Il faut cesser l’empilement législatif”, demandent-ils.
Sur l’affaire Merah et les opérations de police dans les milieux islamistes radicaux de ces derniers jours, interrogé par des journalistes, le SNOP a déclaré que c’était“l’exemple même” que “la justice et la police ne doivent pas être instrumentalisées”, ce que réclament les signataires dans leurs travaux.
PARIS (Reuters) – Treize organisations de magistrats, de policiers, de personnels judiciaires, de psychiatres et de victimes ont publié vendredi 90 propositions pour améliorer le fonctionnement de la sécurité en France, dans l’optique de l’élection présidentielle.
Un nouveau statut pour rendre les procureurs indépendants de l’exécutif, une réforme du Conseil supérieur de la magistrature, des réorganisations territoriales, le rétablissement de la gratuité de l’accès à la justice et l’amélioration de l’accueil figurent parmi les idées des signataires.
“Les fonctions de police et de justice doivent demeurer des missions régaliennes de l’Etat, qu’il ne peut déléguer à des partenaires privés sans un contrôle essentiel et réel, et qu’il doit absolument permettre de manière égalitaire à l’ensemble des citoyens”, lit-on dans le texte commun.
Les 13 organisations, dont l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI), le Syndicat national des officiers de police (SNOP), les syndicats des greffiers, de traducteurs, de psychiatres, de directeurs de prison, d’agents de probation se prononcent contre la multiplication des lois et demandent “la suppression de lois obsolètes ou redondantes”.
Ils se prononcent pour une meilleure rémunération des expertises et contrôle de leurs auteurs, une limitation de la psychiatrie et l’abandon des objectifs de performance chiffrés.
Ils demandent à l’Etat de conserver la mission régalienne de la justice et de ne pas se dessaisir en partie sur les polices municipales ou le secteur privé comme les prisons.
Ces propositions ont été approuvées par l’équipe du candidat socialiste, François Hollande, dans un communiqué d’André Vallini, chargé de ces dossiers.
“Les organisations professionnelles et syndicales du monde judiciaire ont exprimé aujourd’hui leur souci de voir la justice inscrite au cour de la campagne présidentielle. Elles ont raison. François Hollande est le seul candidat à ce jour qui ait présenté un programme complet et cohérent en matière de justice”, écrit-il dans un communiqué.
Thierry Lévêque, édité par Gilles Trequesser
Tags: Justice, Sécurité