Vous pouvez trouver le texte intégral déposé devant la commission en cliquant sur ce lien :
Le 13 juin 2012 le Snop – Syndicat des Cadres de la Sécurité Intérieure a été reçu par la commission d’études mise en place par le ministre de l’Intérieur Manuel VALLS et confiée à la présidence de M. Mattias GUYOMAR, conseiller d’État, pour faire un état des lieux et des propositions de réforme des conditions :
– de la légitime défense comme cadre juridique de l’usage des armes par les policiers,
– de la protection fonctionnelle des policiers.
La délégation de Snop-SCSI était composée de Chantal PONS-MESOUAKI, secrétaire général adjoint, et Michel-Antoine THIERS, secrétaire national.
Ci dessous, un résumé de nos analyses et propositions.
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Après un bref rappel de la situation particulière des forces de sécurité dans la fonction publique, la délégation a tenu à préciser que sur ces deux questions les risques qui pesaient sur les policiers étaient autant externes (violences venant des tiers, mises en causes judiciaires, etc.) qu’internes (contrôle administratif et judiciaire permanent, pression disciplinaire, etc.) et appelaient des réponses adaptées.
I – Sur l’usage des armes dans la police nationale
Le constat de la situation actuelle amène à poser deux questions :
Faut-il élargir les cas dans lesquels les policiers peuvent faire usage de leurs armes, et si oui comment ?
Faut il améliorer la situation des policiers dans les enquêtes conduites sur l’usage des armes, et si oui comment ?
I.1 – Sur les situations autorisant l’usage des armes nous aboutissons aux conclusions que :
Le minimum qui puisse être fait pour remédier à cette situation est de donner à l’ensemble des forces de sécurité de l’État les mêmes règles d’usage des armes.
Un « minimum amélioré » serait que ces règles confirment le caractère dérogatoire à la seule légitime défense de l’usage des armes par les forces de l’ordre, en raison des particularités de leurs missions les exposant à des dangers exceptionnels, et en raison de la nécessité d’affirmer l’autorité de l’État et de ses représentants face aux situations d’atteinte les plus graves à cette autorité. Cela demande à définir par avance les situations et conditions dans lesquelles l’usage des armes est autorisé.
En tout état de cause l’usage des armes doit au cas par cas pouvoir faire l’objet d’un contrôle total par les autorités judiciaires, ce qui exclut toute idée de présomption d’usage légitime des armes.
I.2 – Sur les enquêtes faisant suite à l’usage des armes nous estimons que le policier subit une situation très pénalisante en devant défendre son action sur le plan professionnel, administratif, disciplinaire, et judiciaire, tout en même temps et le plus souvent sans la moindre assistance. Nous proposons donc que :
Dans les cas où la légitime défense est invoquée par le policier, la première mesure serait donc de limiter le cumul des enquêtes pour laisser la primauté à l’enquête judiciaire. Il ne s’agit pas d’interdire les enquêtes administratives ou disciplinaires qui ont leur autonomie, mais de les suspendre le temps de la procédure judiciaire. Cette suspension doit évidemment toucher l’enquête elle même comme les décisions qu’elle aurait pu amener.
En outre, le policier mis en cause par la contestation de son état de légitime défense, ou autre cause d’irresponsabilité pénale pour l’usage de l’arme, doit pouvoir systématiquement être assisté par un avocat de son choix, en dehors de toute mesure de garde à vue.
II – La protection juridique et fonctionnelle des fonctionnaires de police.
Si le principe est clair, dans la pratique la protection fonctionnelle s’avère très complexe, peu réactive, et carencée dans de nombreux détails, renvoyant auprès des policiers l’image illisible d’un dispositif inefficace qui alimente le malaise général des policiers vis à vis de leur administration.
Le Snop-SCSI a donc choisi quelques éléments parmi les plus marquants pour illustrer les insuffisances du dispositif et formuler des propositions :
II.1 – le rôle de la communication institutionnelle largement insuffisante a été souligné. Elle doit être développée tant pour objectiver la perception par l’autorité judiciaire du trouble à l’ordre public résultant d’une médiatisation orientée des faits, en vue d’équilibrer les décisions de l’autorité judiciaire à l’égard des policiers mis en cause, que pour assurer, en interne à l’institution policière, le soutien du fonctionnaire concerné et de l’institution.
II.2 – « la police contre attaque », dans le sens où les atteintes portées contre l’institution ou les policiers ne doivent pas rester sans réponses. Or bien souvent la protection fonctionnelle n’est pas accordée aux policiers victimes ou injustement mis en cause. Du coup les auteurs de ces faits sont trop peu sanctionnés et la banalisation des attaques s’installe.
Une politique de poursuite pénale systématique de ces mises en cause abusives serait de nature à restaurer cette valeur de respect et à faire diminuer leur nombre, tout en apportant une amélioration significative à la relation entre le policier et son administration, comme entre le policier et la justice pénale.
II.3 – L’assistance d’un conseil et les garanties de procédure doivent exister dans le domaine disciplinaire, véritable zone de non droit dans la police nationale.
En effet l’enquête disciplinaire constitue en réalité l’essentiel de la procédure disciplinaire mais échappe à toute règle, ce qui aboutit à certains abus et surtout à une défiance importante des policiers vis à vis de leur administration.
Nous estimons donc absolument nécessaire que des garanties minimales soient accordées au fonctionnaire dans le cadre de telles enquêtes qui expriment la volonté répressive de l’autorité administrative à l’encontre d’un policier, garanties au premier rang desquelles se trouverait le droit à l’assistance d’un conseil.
On peut également citer le droit -au moins a posteriori- à l’accès au dossier de l’enquête afin que le fonctionnaire soit pleinement informé des motifs de sa mise en cause et puisse le cas échéant se retourner contre leurs auteurs.
Les enquêtes disciplinaires sont parfois “dissimulées” derrière des enquêtes administratives dont le déroulement et la finalité sont parfois tout aussi opaques. Nous proposons donc que :
Dans le cadre des procédures d’enquête administrative, nous souhaitons donc que le policier reçoive obligatoirement l’information du motif de sa déposition et qu’en dehors de toute visée disciplinaire il puisse être assisté d’une tierce personne choisie par lui, dont le rôle ne pourra qu’être limité à celui du témoin silencieux.
II.4 – L’indemnisation du préjudice subi par les policiers est prévu par la protection fonctionnelle mais bien trop peu mis en œuvre.
S’il faut distinguer selon que ce préjudice a été causé par des tiers ou pas, il reste que dans certains cas le policier subit un préjudice moral, psychologique et de carrière du fait même de son administration et qu’il n’a pas toujours les moyens ni le temps, ni encore les éléments de preuve pour les faire valoir devant le juge administratif. C’est par exemple le cas lorsqu’un policier fait l’objet d’une sanction disciplinaire injustifiée.
Nous souhaitons donc qu’une instance paritaire puisse être saisie des demandes de policiers sollicitant la réparation d’un préjudice issu de la faute ou de l’erreur de l’administration, préalablement à l’engagement d’un recours contentieux ; qu’elle puisse à l’image des CAP rendre au ministre de l’intérieur un avis sur la demande afin que le conflit puisse se régler par la voie de la transaction.
II.5 – suspension et interdiction des fonctions : question plus particulièrement mise en évidence par l‘affaire de Noisy-le-Sec qui illustre la difficulté de concilier les mesures conservatoires ordonnées par l’autorité judiciaire ou administrative avec les légitimes intérêts des policiers dont l’action est exposée à la critique.
Quand un policier fait l’objet d’une mesure d’interdiction de son activité dans le cadre d’une mise en examen, nous souhaitons que la possibilité soit expressément aménagée de détacher le policier concerné dans un emploi administratif ou technique, sans perte de revenus, de façon à satisfaire les termes des décisions de l’autorité judiciaire tout en limitant les conséquences préjudiciables à l’agent.
Le bureau national