Alors que les services d’enquête sont déjà noyés sous les contraintes de procédure, les conditions de l’assistance d’un avocat auprès du suspect en “audition libre” rendent la gestion du temps impossible pour les enquêteurs, et vont finalement pervertir les objectifs de la loi.
Il faut rappeler que l’esprit de “l’audition libre” était d’inscrire les enquêtes judiciaires dans un cadre juridique plus léger et souple, assurant les droits nécessaires du suspect et évitant le recours à la procédure de la garde-à-vue qui s’était considérablement alourdie.
La circulaire du Garde des Sceaux du 19 décembre 2014 implique toutefois tellement de contraintes et d’aléas pour les enquêteurs, auxquels les “timing” de la convocation et de l’audition du “suspect libre” échappent totalement, qu’il sera plus avantageux pour eux de se reporter d’emblée vers le régime de la garde-à-vue dont le déroulement est plus encadré, plus sûr.
Ainsi non seulement le nombre de GAV risque bien de repartir à la hausse, mais la capacité de traitement des services d’enquête va encore diminuer.
Le Syndicat des Cadres de la Sécurité Intérieure avait défendu et défend encore la nécessité d’une réforme ou d’un allègement drastique du formalisme procédural qui atteint aujourd’hui des proportions ubuesques, au détriment du temps restant à consacrer au fond des enquêtes.
Une fois encore, ce sont les conditions de l’application des lois qui font défaut. Les agents et officiers de police judiciaire vont encore devoir entièrement supporter les charges nouvelles sans aucun moyen supplémentaire, dans une filière déjà en crise.
Les résultats dans la lutte contre la délinquance, globalement corrects, ne sont déjà obtenus qu’au prix de conditions de travail dégradées et d’un délaissement des affaires à la rentabilité statistique faible ou aléatoire, dont les victimes n’ont pourtant pas moins de droit à réparation que les autres.
Alors que nous tirons le signal d’alarme depuis longtemps déjà et que plusieurs commissions ont récemment fait le constat d’une “asphyxie procédurale” des services d’enquête, nous ne pouvons que nous interroger sur l’absence de toute mesure concrète et même de tout projet en ce domaine. La stratégie serait elle une fois de plus de ne rien faire jusqu’à y être obligé par l’urgence, l’Europe, les Tribunaux, la CEDH, ou simplement le blocage complet de la machine ?..
En ce début 2015, les policiers, désabusés, se demandent s’il faut vraiment toucher le fond pour espérer remonter.
JEAN Marc BAILLEUL, secrétaire national du SCSI-CFDT. Tel : 06 75 04 13 59 Christophe ROUGET, chargé de communication du SCSI-CFDT. Tel : 06 83 97 90 58