Retrouvez ci-dessous l’interview de Christophe Rouget dans son intégralité au micro de France Info:
Q : Vous avez entendu le Défenseur des Droits qui évoque « une crise de confiance » de la population vis-à-vis de la police. Comment le prenez-vous ?
R : Il faut entendre tout le monde y compris le défenseur des droits mais vous savez aujourd’hui ce police bashing, il est difficile a vivre lorsqu’on est un policier républicain, lorsqu’on est résolument engagé à servir nos concitoyens, assurer leur sécurité, et surtout lorsque l’on connait l’état de notre police nationale, durement touchée par les suicides, où on a un nombre exponentiel de collègues blessés en service, de nombreux morts en service. Nous sommes aujourd’hui je pense un peu un bouc émissaire trop facile de l’échec des politiques publiques et de la mise en place d’une police d’intervention dans les années 2000 qui est toujours d’actualité, qui est toujours tournée vers les statistiques. Vous savez, la police nationale, elle n’est pas autonome, elle est au service du Gouvernement élu par le peuple, et c’est le Gouvernement qui oriente nos actions.
Q : Vous avez vraiment l’impression d’être bouc émissaire ?
R : Oui, tout à fait. Nous sommes des boucs émissaires faciles parce que les politiques de la ville, elles ont échoué. Elles ont laissé notre territoire se segmenter, socialement, ethniquement. On a laissé le communautarisme s’installer. Les pouvoirs publics ont échoué dans la mise en place d’une police de proximité. Gérard Collomb avait dit avant son départ : « nous vivons côte à côte, j’ai peur que demain, nous ne vivions face à face. » Aujourd’hui plus personne ne va dans ces quartiers à part des jeunes policiers qui interviennent dans des banlieues abandonnées par tous et qui sont en difficulté.
Q : Comment comprenez-vous ce que dit le Défenseur des Droits qui estime que les contrôles d’identité ne sont pas suffisamment comptabilisés, contrôlés, alors qu’on a des chiffres très précis par exemple sur le nombre de contrôles pendant le confinement ? Comment vous l’expliquez ça ?
R : Oui, parce qu’on a toujours la manie de la statistique dans la police nationale. Alors le récépissé, il n’existe nulle part parce ce que même en Angleterre où ils avaient été mis en place, ça a mis en place trop de bureaucratie, trop de paperasserie. Mais il faut évoluer, et moi j’ai entendu ce matin le Président de la République qui demandait au Ministère de l’Intérieur de lui faire des propositions. Moi je dis « Chiche ! ». Le SCSI-CFDT fait des propositions. Que le Président de la République applique ces promesses de campagne qui sont toujours aujourd’hui sur son site « En Marche ». Qu’est-ce qu’elles étaient ces promesses de campagne ? Créer une académie de police regroupant tous les corps de la police nationale pour améliorer la formation, développer la formation continue des policiers, généraliser le port des caméras piétons… Qu’est-ce qu’on a fait ? On a acheté des caméras chinoises bas de gamme qui ne marchent pas. Voilà ! Donc vous voyez, il y a des propositions. Le Président de la République les avait faites lors de sa campagne. Qu’il les mette en œuvre ! Et il ne faut plus abandonner les territoires de la République. Il faut une vraie police sur ces territoires, une police du quotidien, une police de prévention.
Q : Voilà donc vos demandes qu’on a bien entendues. En même temps que le rapport du Défenseur des Droits, l’IGPN, la police des polices, sort son bilan annuel. Bilan annuel qui montre une augmentation inédite du nombre d’enquêtes judiciaires : près de 24% de hausse qui s’explique notamment par le mouvement des Gilets Jaunes. Mais sur 1500 enquêtes, la moitié concerne des accusations de violences policières. Qu’avez-vous à répondre ?
R : 2019, ça été une année comme jamais notre pays a connu en termes de maintien de l’ordre. Tout le monde sait qu’en 2019, tous les samedis, il y a des policiers qui ont été agressés, il y a des villes qui ont été saccagées, et donc tous les samedis il y a eu des manifestations. Et donc évidemment, il y a eu de nombreuses violences contre les policiers. Et nous, nous sommes des femmes et des hommes. Et parfois, dans des contextes difficiles, oui il peut y avoir des erreurs parce que la situation, elle a été très tendue, parce que nous étions en difficulté. Et ces erreurs, croyez-moi, elles sont ferment condamnées par la justice. On a pu l’avoir encore où des policiers ne se sont pas comportés correctement à Marseille il y a quelques jours : ils ont été condamnés à 4 ans de prison. Donc les policiers sont condamnés, les policiers sont surveillés. Il faut maintenant mettre tout en œuvre pour qu’ils puissent travailler correctement au service de la population.
Q : Donc selon vous, hausse du niveau d’interventions, ça veut dire une hausse du nombre d’erreurs. C’est en fait proportionnel ?
R : C’est-à-dire que nous étions dans un contexte que jamais nous n’avons connu. Les policiers ont été attaqués de toute part, et parfois, nous avons mis des jeunes policiers, nous avons mis des policiers qui n’étaient pas formés sur l’ensemble du territoire, des policiers qui n’étaient pas bien équipés. Où en est la réflexion sur le maintien de l’ordre en France ? Elle n’est toujours pas sortie. Nous avons payé 30 ans de non-réflexion sur le maintien de l’ordre, avec du matériel qui étaient désuet : nous n’avons pas assez de lanceurs d’eau, nous n’avons pas des équipements pour prévenir lorsque la police va intervenir lors des manifestations. Tout ça, ça a été laissé à l’abandon et on a livré des policiers en pâture comme ça à la violence.
Q : Craignez-vous pour la suite, parce que là, ces rapports et tout ce qu’on dit va alimenter la colère des milliers de personnes qui manifestent en ce moment contre les violences policières. S.O.S. Racisme appelle à poursuivre la mobilisation demain, par exemple à Paris. Est-ce que vous craignez pour la suite ?
R : Moi, je comprends ce moment émotionnel qui est important, et que les gens aient besoin de se recueillir. Je pense que nous allons revenir, et nous voyons bien que la majorité de la population aime la police nationale. Et je regrette par exemple que S.O.S. Racisme qui organise demain une manifestation, n’ait pas condamné ce qui s’est passé l’autre jour, c’est-à-dire que nous avions un policier noir, un jeune policier qui a été traité de vendu, qui a été traité de traître. Et ça c’est malheureusement de plus en plus le cas tous les jours lors des interventions des policiers sur le terrain, parce que le communautarisme fait son chemin, et donc il faut lutter contre ça, tous lutter contre le racisme dans la société et contre tous les racismes, tous ensemble.