Le 18 février 2014, une délégation du SCSI, composée de Jean-Marc BAILLEUL, Pierre ELBÉ et Sabrina RIGOLLE, a été reçue en audience par Madame Mireille BALLESTRAZZI, nouvelle Directrice Centrale de la Police Judiciaire et Monsieur Roland GAUZE, DRH. Après deux heures d’entretien, les thèmes suivants ont été abordés.
La réforme de la PJ en Corse et aux Antilles :
Madame BALLESTRAZZI était immédiatement interrogée sur les craintes de nos collègues, amplifiées par le manque de communication de la hiérarchie policière, faisant suite aux annonces récentes du Ministre de l’Intérieur relative à une nouvelle organisation préconisée en Corse et aux Antilles.
Elle nous indiquait que cette absence de communication de la DCPJ était volontaire et conforme à des consignes strictes du Cabinet ministre. Toutefois, nous lui faisions remarquer que la hiérarchie de la Gendarmerie Nationale n’avait manifestement pas respecté cette directive, puisque les informations avaient été volontairement distillées par nos homologues, conduisant à une crispation des agents sur le terrain.
Elle ajoutait comprendre que ce manque d’informations côté police ait été mal perçu par nos collègues, mais précisait que l’objectif était d’attendre la validation de la Chancellerie sur le projet.
Madame la Directrice nous précisait également avoir sollicité le Directeur Général de la Police Nationale afin qu’une réunion d’information regroupant les Organisations Syndicales nationales soit rapidement organisée, avec concomitamment une communication en direction des personnels par les DIPJ.
Elle reconnaissait que ces projets d’organisation en Corse comme aux Antilles auront un impact réel sur l’organisation et le fonctionnement des services. A ce titre, elle envisage que certains postes de commissaires soient déflatés afin que certains officiers ne soient pas les seuls impactés.
Concernant l’essence même de ce projet, il repose sur l’idée du Cabinet ministre de faire travailler davantage ensemble les DIPJ et les sections de recherches afin d’éviter concurrence et doublons. Deux étapes sont ainsi déclinées : la première visant à une mutualisation des fonctions support et de soutien, puis à plus long terme, une fusion totale des PJ et SR. Le Ministre de l’Intérieur espère d’ailleurs s’appuyer sur la réussite des expériences menées en Corse et aux Antilles pour généraliser ces mutualisations.
Concrètement, ces projets de réforme seront relativement similaires mis à part la tête de direction des services, à savoir :
Pour la Corse, la coordination judiciaire (Directeurs + EM) serait assurée par le DRPJ avec pour adjoint le Cdt de la SR. Ce dernier récupérerait, dès lors, le commandement sur toutes les structures de supports et de soutien qui dépendaient auparavant du chef de groupement de la Gendarmerie. Ainsi le chef SR pourra se comparer à un chef de SRPJ.
Pour les Antilles, la coordination judiciaire serait assurée par un Général de Gendarmerie, avec pour adjoint le DIPJ. Cette coordination aura autorité sur trois départements : Guadeloupe, Martinique, et Guyane. Néanmoins, la DCPJ a comme projet pour la Guyane de transformer l’antenne actuelle en antenne OCTRIS pour la spécialiser dans son activité principale, la lutte contre le trafic de stupéfiants, avec des pouvoirs accrus, des relations avec l’international et une indépendance vis-à-vis de la Gendarmerie sur cette matière.
Ces deux coordinations dirigeront les structures suivantes :
– Les différents GIR (Police et Gie). A noter que cette réorganisation conduirait en plus à faire passer de police à gendarmerie le GIR de Corse malgré ses excellents résultats. Cette situation est inacceptable d’autant plus que celui de Martinique resterait toujours dirigé par la gendarmerie.
– Analyse/renseignements (policiers et gendarmes)
– PTS (TIC et IJ)
– Surveillances/interpellations (DOS et BRI)
– GEM (Groupes d’enquêtes mixtes permanents) : ces nouvelles entités composées de policiers et gendarmes travailleront sur les co-saisines Police-Gendarmerie. Deux thématiques seront traitées dans ces GEM : criminalité organisée et lutte anti-terroriste. Il s’agit de vrais groupes de travail partageant des locaux communs à l’image de ce qui se fait actuellement dans les cellules d’enquêtes que nous connaissons en Gendarmerie mais créer là de manière permanente.
Néanmoins, il faut noter que les services d’enquêtes traditionnels de DIPJ (mis à part la Guyane), tels que les brigades criminelles ou financières …. ou leurs « équivalentes » dans les SR, resteraient opérationnels sur les mêmes champs d’investigations avec toutefois moins de personnels.
A l’issue de cette présentation par Madame BALLESTRAZZI, il lui a été clairement indiqué, en conclusion de ce sujet, que si le SCSI ne peut pas être farouchement contre tout effort de mutualisation et de travail en commun, il est toutefois fortement opposé à cette réforme pour les raisons suivantes :
– Il ne s’agit que de la conséquence, à longs termes, de toute la stratégie « d’enfumage » de la Gendarmerie Nationale de créer des services spécialisés, doublonnant notre activité judiciaire sur nos champs de compétences.
– Dans ces territoires insulaires, la Gendarmerie ne traite que 30 % de la délinquance criminelle mais revendique 50 % des postes à responsabilités sur la direction des futurs pôles (GIR, PTS, surveillances/interpellations…). De plus, les effectifs des SR, que la DGGN se refuse à communiquer, ne dépasseraient pas le millier au niveau national alors que la DCPJ compte 5000 fonctionnaires.
– Les officiers de Police seront une nouvelle fois les premiers touchés quant aux postes à responsabilités revendiqués par les officiers de gendarmerie.
– Mutualiser en maintenant des statuts différents pour les personnels ne peut que conduire à l’échec (la double campagne en Corse ou en Outre-mer, une rémunération 26 % supérieure en moyenne pour les gendarmes attestée par la Cour des Comptes, l’exhaussement de niveau de grade pour les officiers supérieures de la Gendarmerie contrairement aux cadres de la police seront autant d’éléments vécus comme une injustice et qui conduiront à la démotivation).
– Aucun intérêt pour nos citoyens dans cette réforme, tant que chacune des forces sera cantonnée à ses territoires urbains ou ruraux, alors que chacun sait que les gendarmes usent d’artifice pour travailler en milieu urbain. L’exemple de l’attentat à la roquette sur la Gendarmerie d’Ajaccio est révélateur !
Dans les annonces du Ministre concernant la réorganisation de la Police judiciaire, d’autres points ont été également abordés, sur lesquels nous avons interrogé Madame BALLESTRAZZI :
La création des « groupes cités » :
Madame la Directrice souhaite mettre en œuvre ces groupes en fonction des moyens humains déjà disponibles et des lieux géographiques le nécessitant. La base de travail étant principalement les ZSP, induisant par le territoire une délinquance certaine, devant conduire à une dynamique de la remontée du renseignement. L’idée sera de partager davantage le travail avec la Sécurité Publique, disposant du renseignement opérationnel.
Les SIRASCO :
La DCPJ a la volonté d’amplifier le nombre de correspondants SIRASCO qui devront être implantés bien au-delà des sièges des DIPJ mais aussi dans tous les services et grosses antennes. Nous avons alors demandé de mettre en œuvre de véritables fiches de postes avec une nomenclature cohérente pour éviter des disparités trop importantes de grades. Madame BALLESTRAZZI confirmait cet objectif, tout en souhaitant développer ces postes pour des officiers de qualité disposant de compétences particulières.
Les passerelles entre PPPJ/DRPJ :
Concernant les difficultés rencontrées à ce jour quant aux mouvements des personnels, Madame BALLESTRAZZI précisait vouloir créer un « Comité stratégique » pour faciliter les échanges de personnels mais aussi d’informations entre la PPPJ et la DCPJ. Elle souhaiterait un décloisonnement en la matière.
Le SCSI a mis en exergue que les mouvements de mutation étaient à sens unique, puisque depuis plusieurs années, ils avaient grandement facilité l’absorption de nombreux officiers de la PPPJ sur les DIPJ de province mais que l’inverse restait exceptionnel.
La Cybercriminalité :
La Directrice confirmait la création d’une sous-direction dédiée, comme annoncé par le Ministre, afin de développer une prise en charge complète des victimes. L’idée sera de développer une plateforme Pharos-Info escroquerie, point unique d’entrée sur internet concernant les particuliers et les entreprises. De plus, une formation particulière devra être diffusée aux policiers recevant les victimes afin que toutes les demandes soient ensuite dirigées vers des groupes spéciaux traitant la cybercriminalité.
En fin de réunion, nous abordions également quelques sujets qui tiennent à cœur nos collègues de police judiciaire :
Les avoirs criminels :
Si nos collègues sont conscients de l’impact important du travail réalisé sur les avoirs criminels qui gênent souvent plus les voyous que les pseudos peines de prison, cela induit de plus en plus une surcharge de travail croissante demandée aux enquêteurs. Malheureusement, beaucoup se plaignent que ces saisies profitent rarement aux services de police. Madame BALLESTRAZZI reconnait une inégalité de fonctionnement selon les services. Elle indique toutefois que la circulaire d’application sur cette thématique est trop limitative et permet trop difficilement aux services de se voir réattribuer les véhicules confisqués. Le Directeur Général a d’ailleurs demandé une révision de cette circulaire afin de faciliter ces confiscations. Sur 100 % des saisines, il manque 80% de confiscations.
Nous avons affirmé que face à la baisse des crédits de fonctionnement, au vieillissement du parc automobile et aux restrictions sur l’utilisation des véhicules, ces saisies de véhicule pourraient donner une bouffée d’oxygène aux enquêteurs dans leurs missions mais également dans leurs trajets quotidiens et retrouver les quelques avantages qui leur restent de travailler en Police Judiciaire.
Nous avons confirmé la démotivation de nombreux officiers de la police judiciaire, fatigués par les réformes pénales successives, la baisse significative des frais d’enquêtes et de surveillance, mais aussi par le manque de moyens matériels et financiers.
L’IRP : majoration de la performance à 140 ou 120 % :
Nous avons rappelé l’importance de voir les 30 % des effectifs bénéficier de cette majoration quelle que soit l’activité du service. A titre d’exemple, le SRPJ d’ANGERS était cité. Madame BALLESTRAZZI indiquait néanmoins que le critère d’attribution était effectivement lié à l’activité. Toutefois, elle précisait que cette modulation ne devait pas conduire à une spirale négative et une crispation des officiers.
Elle ajoutait qu’elle souhaitait effectuer une révision des besoins en effectif sur les services de NANTES, ROUEN, LE HAVRE afin de prendre en considération la forte charge de travail sur ces sites. Pour elle, l’activité d’ANGERS pourrait conduire à transformer le SRPJ en Antenne mais cette réforme n’était pas à l’ordre du jour.
L’existence des antennes PJ et leur maintien :
Madame BALLESTRAZZI, interrogée sur la remise en cause de certaines antennes (AGEN, PERIGUEUX, BREST …), dont l’activité judiciaire pouvait parfois paraître insuffisante, indiquait qu’il n’y aurait aucune suppression. Toutefois, elle précisait qu’un redéploiement des moyens humains sur d’autres sites devrait être favorisé en fonction de l’activité relevée. Par contre les antennes PJ qui couvrent sur leur territoire une ZSP devraient être renforcées.
Interrogée sur le manque crucial de gardiens et gradés, par exemple à ANNECY, la Directrice n’a pu que rejoindre notre constat estimant que sur les mutations « profilées » des CEA , le besoin vital était de 120 fonctionnaires et que l’année 2014 ne permettrait d’en obtenir qu’une trentaine .
Les vacances de postes officiers dans certaines BRI :
Madame BALLESTRAZZI était interpellée sur les vacances constantes de postes d’officiers dans les BRI en raison notamment de tests d’entrée difficiles et parfois inadaptés. Cette dernière reconnaissait l’urgence à revoir ces tests pour que chaque BRI continue à avoir des officiers comme chef et adjoint de Brigade mais envisage de revoir la nomenclature afin que les postes de chefs de groupe puissent être confiés à des majors (sauf dans les très grandes BRI, comme LYON, dirigée par un commissaire).
En marge de ces thèmes, la délégation a évoqué le cas particulier de certains officiers auxquels il sera rendu compte personnellement.
Le Bureau National
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