Des officiers de police de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) ont prévu de tracter vendredi 16 mars à l’entrée du siège de la direction, à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Révolte contre le dévoiement d’un outil de renseignement décrit par le livre-enquête L’Espion du président, des journalistes Olivia Recasens, Didier Hassoux et Christophe Labbé ?
Pas du tout. Selon les syndicats de police, un «petit» différent catégoriel entre officiers et leurs supérieurs commissaires serait à l’origine de cette bronca, inédite dans ce service secret-défense.
Bienvenue dans la petite boutique policière et ses guéguerres catégorielles et syndicales….
Certains officiers de la DCRI n’auraient pas apprécié la nomination d’une jeune commissaire, tout juste sortie d’école, à un poste de chef de section autrefois occupé par un officier.
«Cela fait des mois et des mois qu’il y a un malaise à la DCRI au niveau des ressources humaines, donc nous avons décidé de tracter vendredi à l’arrivée des locaux pour montrer le mécontentement des officiers», explique Jean-Marc Bailleul, secrétaire général du Snop (syndicat national des officiers de police). Des officiers du Snop ont rencontré le patron de la DCRI Bernard Squarcini mercredi matin pour le prévenir du mouvement et lui présenter leur tract.
Envisagé par l’ancien ministre de l’intérieur Brice Hortefeux, le projet de fusion entre les deux corps a récemment été rétoquée par un rapport de l’Inspection générale de l’administration et de l’Inspection générale de la police nationale, douchant ainsi les espoirs des syndicats d’officiers.
Seule reste actée la décision d’une direction chapeautant les deux écoles, Cannes-Écluse, en Seine-et-Marne pour les officiers, et Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, près de Lyon, pour l’École nationale supérieure de police (ENSP) qui forme les commissaires.
«C’est une situation commune à l’ensemble des services de police, mais les officiers de la DCRI le vivent particulièrement mal du fait du poids des commissaires dans cette direction», explique Jean-Marc Bailleul.
La DCRI compte 140 des quelque 1700 commissaires français, une surereprésentation liée à l’histoire du service. «Lors de la fusion entre la DST et les RG en 2007, on a superposé deux structures sans diminuer le nombre de postes de commissaires», explique Nicolas Comte, secrétaire général du principal syndicat de gardiens de la paix, Unité SGP Police FO.
Du côté du principal syndicat de commissaires de police, Sylvie Feucher, secrétaire générale, se dit «scandalisée» de cette mini-rébellion. «Depuis quand des fonctionnaires contestent-ils des nominations de chef de service ?», s’indigne-t-elle. Avant de renvoyer la balle au ministre de l’intérieur Claude Guéant «qui ne veut pas trancher sur la question de la fusion, alors qu’il a le rapport en main depuis des semaines».
«Les ministres successifs ont ouvert la boite de pandore en faisant des promesses aux syndicats d’officiers, et maintenant c’est en train de pourrir toute la chaine hiérarchique et cela ouvre la porte à des problèmes très graves en interne», regrette-t-elle.
Si tous les syndicats de police jurent que ce mouvement n’a rien à voir avec les récentes remises en cause du renseignement français (également dans le livre du journaliste David Dufresne sur l’affaire de Tarnac) et la mise en examen de son patron, Bernard Squarcini dans l’affaire des fadettes d’un journaliste du Monde, le député PS Jean-Jacques Urvoas, qui a vendu la mèche sur Twitter, est plus circonspect.
«Le fait générateur est d’abord un problème corporatiste auquel s’adjoint un malaise plus général, estime-t-il.Plusieurs agents de la DCRI sont venus me parler depuis la sortie du livreL’Espion du présidentpour me dire “Nous sommes venus sur une mission de service public et nous n’avons pas envie d’être assimilés aux barbouzeries de Bernard Squarcini”».
«Ce n’est pas du tout le sujet», évacue Jean-Marc Bailleul. «Les collègues ne veulent pas être mêlés à ça, donc ils n’iront pas vendredi, d’autant plus que nous avions négocié en contrepartie la suppression d’un poste de commissaire», réplique de son côté Patrice Ribeiro, secrétaire général du syndicat Synergie Officier, concurrent direct du Snop et qui se dit majoritaire parmi les officiers de la DCRI.
Une chose est sûre, impossible d’interroger les officiers «mécontents», qui manifesteront donc vendredi sous le sceau du secret-défense…