Jeudi 20 septembre 2012 après midi, pendant plus de deux heures, le ministre de l’Intérieur a reçu la parité syndicale, au lendemain de son discours sur la politique de sécurité prononcé devant les Préfets, les directeurs territoriaux et centraux de la police nationale et officiers supérieurs de la gendarmerie nationale.
Le ministre était assisté de Monsieur BALAND, Directeur Général, Monsieur VEDEL, directeur de cabinet adjoint, Messieurs MERIC et DURAND, conseillers police, Monsieur SARTRE, conseiller budgétaire, et Madame GUILLOTEAU, conseillère sociale auprès du DGPN.
La délégation du SCSI était composée de Jean-Marc BAILLEUL, Secrétaire Général et Pierre ELBÉ, Secrétaire national.
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Précisons d’emblée que les sujets abordés étaient pour la plupart dans le prolongement du discours prononcé la veille, afin d’apporter des précisions ou des réponses aux questions légitimes que se posent les fonctionnaires de terrain.
Toutes les thématiques liées au budget et au catégoriel seront traitées lors d’une réunion spécifique programmée pour le 4 octobre 2012.
D’ici à cette seconde réunion, nous attendons de recevoir la réponse du ministre à notre courrier du 9 juillet dernier (traitant notamment de la déflation, des fins de carrières, des ratios d’avancement, des régimes indemnitaires, etc.), qui devrait confirmer et renforcer les discussions bilatérales tenues entre le SCSI et la DRCPN au cours de l’été.
En préambule, le ministre a voulu revenir sur les réactions des organisations syndicales très étonnées de ne pas avoir été associées à la réflexion en amont sur les Zones de Sécurité Prioritaires.
Le ministre a indiqué qu’il voulait à la fois imposer une nouvelle méthode et montrer sa détermination à respecter une promesse électorale du président de la République ; les événements survenus durant l’été, à Amiens et Marseille notamment, lui donnant raison. Néanmoins, pour les prochaines vagues de créations de ZSP, le calendrier facilitera une meilleure communication et discussion avec les syndicats et les élus.
Le SCSI après avoir salué un discours volontariste, régalien, plaçant le policier au cœur du socle républicain, a souhaité obtenir des précisions sur les principales thématiques.
>>> Les Zones de Sécurité Prioritaires :
Le SCSI a tout d’abord demandé à ce que les acteurs opérationnels dont les officiers sont la composante essentielle, soient réellement associés aux réflexions menées sur la mise en place des ZSP, ce qui n’est actuellement pas le cas. Les officiers doivent aussi prendre une part active à l’innovation suscitée par le ministre, dont en tant que cadres ils sont les premiers à mesurer la nécessité et qu’ils seront chargés de mettre en application sur le terrain.
Nous pensons en effet totalement incohérent d’envisager que la police nationale puisse modifier son approche des questions de sécurité si elle ne fait pas aussi l’effort, en interne, d’amender son fonctionnement et ses modes de travail au sein de la chaîne hiérarchique, en particulier au regard des leçons à tirer de la décennie écoulée.
Le SCSI a ensuite évoqué quelques points particuliers sur les ZSP :
Concernant les renforts d’effectifs annoncés à la SP de Marseille, nous avons fait part de notre étonnement de la création de trois postes de commissaires dans les divisions du SSP ainsi que de l’arrivée programmée de nombreux gradés et gardiens à l’Information Générale, alors que pas un seul officier supplémentaire n’est prévu. Pourtant des besoins avaient clairement été exprimés devant la nécessité de renforcer le commandement des trois services de nuit, tant par le SCSI que par l’ancien DDSP 13, aujourd’hui devenu Directeur Central de la Sécurité Publique.
Le SCSI a également fait part de son inquiétude concernant le cumul des outils statistiques actuels particulièrement chronophages avec ceux qui devraient spécifiquement être mis en place pour le suivi des ZSP, le tout avec un effectif dédié contraint.
Enfin, le SCSI a insisté sur la nécessaire mise en place d’un dispositif indemnitaire spécifique aux ZSP pour motiver les policiers aguerris à venir y exercer, comme il le demande déjà pour ceux qui exercent dans les circonscriptions les plus exposées. Il est indispensable de revoir le dispositif actuel des parts de rémunération liées à la performance qui reposent sur des méthodes et des indicateurs statistiques que le Ministre a annoncé comme remis en cause.
Le ministre de l’Intérieur a insisté sur le concept de la ZSP dont la qualité première est d’appliquer une nouvelle méthodologie permettant à tous les acteurs de la sécurité de se remettre autour de la table.
Si des objectifs ciblés seront assignés à ces zones, il ne sera pas admissible de démobiliser ailleurs les effectifs sur des affaires qui restent prioritaires.
Le ministre est par ailleurs favorable à ce que des avantages financiers ou d’avancements soient mis en place pour les fonctionnaires qui s’engageraient sur ces secteurs difficiles.
Enfin, l’objectif de ce dispositif dépasse de beaucoup les quinze premières ZSP puisqu’il est prévu d’aboutir à en avoir une soixantaine en 2013 et une centaine en 2014.
Concernant les chiffres d’activité, le ministre a indiqué qu’il convient de changer les mentalités dans leur utilisation et que cela nécessitera des objectifs clairs, des moyens et du temps.
>>> Les recrutements :
Le SCSI a souligné l’effort budgétaire consenti par la remise en cause de la RGPP et du recrutement annoncé de 2432 gardiens de la paix, contre seulement 500 programmés initialement sur les deux prochaines années, et même si ce recrutement est inférieur à celui de la GN.
A la question du recrutement plus important de sous-officiers de gendarmerie (3461), le ministre a répondu qu’il y avait eu beaucoup plus de départs en retraite parmi les gendarmes et qu’il convenait par équivalence de les remplacer également. Il faudra néanmoins attendre la fin de la scolarité des toutes les nouvelles recrues pour voir les effets positifs de cette décision, soit fin 2013, début 2014.
>>> Évolutions de compétences territoriales :
Les redéploiements redevenant malheureusement un thème d’actualité, le SCSI a exprimé ses réserves sur l’efficacité réelle et les coûts engendrés par de nouvelles fermetures de circonscriptions de police.
Nous avons également dénoncé qu’à chaque opération de ce type le corps de commandement perd des postes à responsabilités, alors qu’ils auraient dû augmenter aux termes des engagements de la réforme des Corps et Carrières.
Si la passerelle police-gendarmerie a été évoquée pour atténuer les conséquences sociales des transferts de compétences territoriales, le SCSI a encore regretté qu’elle ne puisse pas être proposée aussi aux officiers de police qui le souhaiteraient, aucune disposition statutaire ne le prévoyant.
Le SCSI a demandé qu’un audit soit réalisé sur les redéploiements précédents tant sur le plan financier (primes de restructurations, constructions de logements pour les militaires, construction de gendarmerie) que sur le plan opérationnel (horaire d’ouverture au public, lutte contre la délinquance…).
Si des commissariats devaient être considérés comme inadaptés en zone rurale et devaient fermer, accentuant encore le différentiel des territoires et des conditions d’exercice PN et GN, nous ne pourrions comprendre que des casernes de gendarmerie soient maintenues dans les grandes villes.
Le ministre a affirmé que les ajustements programmés doivent tenir compte de l’évolution des territoires et de la nécessaire poursuite de la police d’agglomération dans le continuum urbain, mais qu’il faudra certainement mieux prendre en considération les questions de coûts et d’efficacité des transferts d’effectifs.
Quant à la question posée opportunément à l’issue du discours du ministre par un officier de gendarmerie sur l’éventuel passage de départements entiers en zone de compétence gendarmerie, le ministre, tout en reconnaissant que cela pourrait être la conséquence de redéploiements, a objecté qu’une telle décision présenterait des difficultés en termes de symbole et de continuité dans la représentation de l’État.
La parité syndicale a été unanime pour convenir que la Gendarmerie semblait disposer d’une écoute plus importante de la part du ministère, et que bien des difficultés disparaîtraient s’il n’existait dans notre pays qu’une seule force de sécurité intérieure.
>>> Relations Police – Justice :
Le ministre s’est dit conscient de l’attente des policiers vis-à-vis des décisions judiciaires mais aussi convaincu que la mise en cause de l’action des magistrats n’était pas un facteur de progrès, étant encore entendu qu’il ne fallait pas négliger la réalité de la surpopulation carcérale qui se trouve aussi être un élément augmentant de la récidive et de certaines radicalisations (islam radical). Il a indiqué vouloir travailler main dans la main avec le ministre de la Justice à qui il a fait la suggestion de rencontres avec les syndicats de policiers.
Pour sa part, il rencontrera prochainement les syndicats de la magistrature.
>>> Changements à la tête des directions et services :
Malgré les réprobations des syndicats de commissaires, le ministre a confirmé que d’autres changements interviendraient pour les directeurs et chefs de service, y compris à la Gendarmerie.
>>> Services de renseignements : l’Information Générale :
Le Ministre a insisté sur la nécessité de mettre en place des capteurs de l’information plus efficaces, tout en maintenant que la situation était bien différente entre la DCRI et la SDIG. Le livre blanc sur le Renseignement est attendu pour faire évoluer les missions, l’organisation et l’articulation des services avant la fin de l’année.
Le SCSI a exprimé une fois encore l’impatience des officiers du SDIG pour que soit redonné à leurs missions une autre dimension, quand dans certains services ils sont étroitement limités aux seules prévisions des troubles à l’ordre public.
Dans la prochaine évolution des services de renseignements, et tout particulièrement de l’Information Générale, le SCSI attend des arbitrages sur le maintien de la Gendarmerie au sein de structures communes.
>>> Écoute des personnels et protection fonctionnelle :
Le SCSI a souligné l’importance de l’écoute des souffrances des personnels à laquelle le Ministre a fait référence dans son discours, et veut voir dans cette évocation la prise en compte non seulement des difficultés professionnelles liées à la mission de sécurité, mais aussi celles des tensions issues du fonctionnement interne de notre institution.
C’est pourquoi le SCSI a demandé que dans le cadre de la protection fonctionnelle, les avancées proposées par le rapport Guyomar soient mises en œuvre au plus vite, notamment la possibilité donnée aux fonctionnaires de pouvoir être assistés à leur demande lors d’une audition administrative, qui devrait avoir un impact rapide et positif sur certaines dérives observées en matière disciplinaire.
Le SCSI a encore demandé que soit concrètement prise en compte la situation des fonctionnaires suspendus prétendument à « plein traitement » mais qui, en pratique, se voyaient retirer toutes leurs primes pendant plusieurs mois.
Cette conséquence financière est d’autant injuste lorsque nos collègues sont finalement innocentés à l’issue d’une enquête administrative et/ou judiciaire sans pour autant se voir restitué le montant du manque à gagner.
Le ministre a demandé à son cabinet qu’une réunion soit rapidement organisée sur ce thème.
Le SCSI et d’autres organisations syndicales sont également revenus sur la nécessité de produire un nouveau texte harmonisant l’usage des armes pour les policiers et les gendarmes, manifestant ainsi leur conviction sur ce sujet en dépit de l’avis contraire donné par le ministre lors de son discours.
En effet pour les syndicats il ne s’agit pas de demander un alignement du régime auquel sont soumis les policiers sur celui des militaires, mais bien de créer un nouveau régime commun qui tienne compte de l’évolution des métiers, des risques, et de la mutualisation de missions.
>>> Le Code de déontologie :
Le SCSI a demandé si le nouveau code de déontologie allait être celui proposé par l’ancien DGPN, élaboré dans une certaine précipitation puis ajourné dans une certaine confusion…
Le ministre a répondu qu’il voulait “aller vite” sur cette question et qu’une réunion aurait lieu avant la fin du mois d’octobre. Il a insisté sur la nécessité de modifier le rapport entre la population et sa police.
>>> Les Contrôles d’identité :
La parité syndicale s’est unanimement satisfaite que le ministre ait repoussé l’idée de la délivrance d’un récépissé lors des contrôles d’identité.
Par cette prise de position, le ministre a exprimé clairement son soutien et sa confiance à l’action de la police, ce qui est, selon lui, et sur un ton humoristique « une révolution dans un gouvernement de gauche ».
Néanmoins le ministre a rappelé que le “contrôle au faciès” était une réalité à combattre et qu’il conviendrait dans cet objectif de trouver des dispositifs adaptés, dont pourrait être le rétablissement sur l’uniforme d’un élément d’identification comme le numéro de matricule.
>>> La communication externe :
Le SCSI a souligné le discours volontariste du ministre en matière de communication, qui se trouve en pleine concordance avec une demande récurrente de notre part.
Les commissaires et les officiers, formés à cet exercice, sont en capacité et doivent rattraper le retard accumulé par la police nationale dans sa communication institutionnelle et événementielle, et se mettre au niveau des exigences actuelles en terme d’image et d’information, ce que la Gendarmerie a bien compris et mis en œuvre depuis des années.
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Le ministre a conclu en nous informant que chaque organisation recevra un courrier fixant le calendrier des réunions à programmer d’ici la fin de l’année.
Le DGPN a proposé que toutes les composantes de la parité syndicale soient réunies sur une journée complète, consacrée au dialogue social.
Le SCSI attend avec impatience ce renouveau du dialogue social qu’il veut aussi voir devenir un dialogue professionnel constructif, et se satisfera de toutes les modalités dès l’instant où elles permettront d’apporter des réponses aux attentes légitimes et souvent urgentes de ses mandants.
La délégation
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